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LES ACTIONS COMMERCIALES DE LA SACEM (3e partie)

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BONNE ANNÉE À TOUS LES IMINIENS ET À LEURS AMIS

QUE 2014 SOIT FAVORABLE ET RENFORCE LES AMITIÉS

Les iminiens remercient Philippe Kayser de nous faire connaître une période difficile et trop méconnue pour la mine et les mineurs d'Imini. Mais aussi une période où des opportunités ont été saisies par ses dirigeants pour sauver les mines de l'Imini. Les anecdotes qu'il nous rapporte nous font aussi sourire en dépit de la gravité de la situation.

     Les actions commerciales de la SACEM

                     Période 1965 / 1973

     Quelques souvenirs de Philippe KAYSER

(Après le constat d'une situation compromise pour les mines de l'Imini (voir pages des 4 et 23 octobre), Philippe Kayser nous fait part du redressement de la situation. ) 

Philippe-Kayser-NY-1973

La fin des ventes de « sinter » précipite l’évolution de la SACEM. Les recherches faites autour de la technologie de la SMHI (Séparation magnétique à haute intensité) nous conduisent à penser que nous pourrions disposer de qualités proches – en granulométrie – des « moutures » proposées par les grands broyeurs, avec une chimie moyenne sans doute meilleure. Outre cet avantage qui peut nous permettre de pénétrer plus en profondeur sur le marché, cette technique d’enrichissement permet aussi de mieux défruiter le gisement et d’accroître ainsi sa durée de vie escomptée. Il s’agit donc d’un progrès considérable pour la mine.

Bien entendu la mise en marché pose des problèmes redoutables. Au moins deux : (1) quel réseau de vente faut-il mettre en place pour concurrencer les broyeurs (qui sont nos clients)… et faut-il les concurrencer ou coopérer avec eux pour une meilleure efficacité sur le marché ? (2) quel conditionnement adopter pour avoir une logistique fiable et pas trop coûteuse depuis Imini jusqu’au fond de l’Europe et des Etats-Unis ?

Sur la seconde question nous éliminons assez rapidement le choix des « big bags » mal adaptés pour la plupart des clients au niveau de la manutention et du stockage, mais plus encore au niveau de la mise en œuvre. Dans la préparation des argiles, ou des process chimiques simples, l’unité d’utilisation en usine est en effet « le sac ». C’est finalement notre choix de bon sens, fondé sur les habitudes d’utilisation des clients finaux.

Cette seconde question – celle du conditionnement des U.F. (Ultra Fins) – me rappelle deux anecdotes :

-       l’un de nos clients pour la très haute teneur en MnO2 (le groupe Philips) vint à se trouver en rupture de stock de bioxyde pour ses productions de ferrites, cette situation menaçant l’activité de plusieurs usines.

sacs-papier-sur-palettes

L'article de Jean-Marie Décailloz (9 juillet 2013) parle de l'ensachage et du stockage des sacs sur palettes.

 

Pour répondre à son appel très pressant nous lui avons proposé de lui livrer du 95% MnO2 en sacs, par avion au départ de Marrakech. Notre client, pressé par l’urgence accepta notre proposition et affréta un avion pour prendre un dépannage de 20 ou 25 tonnes. J’avais demandé lors de la préparation de cette expédition étonnante (il est rare de livrer des minerais de manganèse par avion) que les sacs soient minutieusement comptés afin de facturer un poids précis… mais aussi pour donner à l’avion le poids exact à charger. Ce comptage a été difficile et il est apparu que le nombre de sacs comptés à la mine était inférieur au nombre de sacs transportés jusqu’à Marrakech, nombre lui-même inférieur au nombre de sacs décomptés à l’embarquement à bord de l’avion. Nous n’avons jamais pu tirer au clair ce « miracle de la multiplication des sacs » le long du parcours.

-       l’autre anecdote est celle du démarrage de l’ensacheuse des UF. Cette modeste machine avait pour mission d’ensacher toute la production d’UF dès la sortie de la ligne SMHI car il était exclu de stocker en vrac ce minerai très pulvérulent et très sec. Après le montage de cette machine il s’est avéré impossible de la faire fonctionner correctement et, la production démarrant, le site de l’ensacheuse est rapidement devenu l’antichambre de l’enfer, avec une couche impressionnante de minerai répandue sur le sol.

ensacheuse

Photos Décailloz, ensachage des big-bag, voir article du 09/0713. C’était en été et cet échec, couplé avec la chaleur et la fatigue des équipes travaillant sans relâche pour résoudre cette difficulté, avait rendu l’ambiance à la mine très tendue, orageuse et électrique. De guerre lasse nous avons demandé au fournisseur de l’ensacheuse d’envoyer un technicien pour faire fonctionner correctement cette machine récalcitrante. Il se trouve que j’étais dans l’avion arrivant à Marrakech en même temps que lui, mais sans le connaître. C’est donc à l’arrivée que j’ai découvert ce technicien. Il était tout de blanc vêtu, avec un canotier assorti, petite mallette élégante…. Bref… un technicien sur le chemin des vacances ! Homme très affable, nous fîmes ensemble un voyage agréable jusqu’à la mine où nous arrivâmes vers 20 heures. Cette personne était attendue avec la plus extrême impatience par le directeur d’exploitation (de mémoire Monsieur Dagrada) et toute l’équipe technique plus que fatiguée par des semaines d’effort pour faire marcher l’engin. Toute cette équipe était encore en tenue de travail recouverte de manganèse après une rude journée sur le site. L’arrivée à la maison des hôtes de ce monsieur tout de blanc vêtu jeta un froid… qui devint encore plus glacial lorsqu’il suggéra – très courtoisement d’ailleurs - de prendre le travail de mise au point dès le lendemain matin. A la vue des réactions de ses interlocuteurs il comprit immédiatement qu’il avait fait une lourde faute d’appréciation quant à la gravité de la situation et à la nervosité de l’assistance. Il demanda alors une tenue de travail, une cafetière de café chaud (d’autant plus utile que les nuits sont fraîches à Imini, même en été), une personne pouvant l’aider et lui procurer quelques outils. Il rejoignait alors vers 23 heures le site de l’ensacheuse, vit la machine, demanda quelques bricoles, puis suggéra à toute l’équipe d’aller se reposer et de le laisser traiter la question. Il travailla toute la nuit pour monter un dispositif brisant les voutes qui se formaient dans la goulotte d’alimentation de la machine, au-dessus de la visse sans fin. En début de matinée – disons vers 8 heures – la machine fonctionnait parfaitement… Ce technicien qui s’était déguisé en « Titi parisien vacancier »était à l’évidence compétent et intelligent. Un grand « ouf » de soulagement nous parcourut tous ce matin-là car nous avions déjà pris des engagements de date pour les premières livraisons. La mine offrit à ce Monsieur une petite virée dans les oasis du sud, surtout pour le remercier de la vivacité de sa réaction le soir de son arrivée. C’est donc ainsi que fut inaugurée pour moi l’ère commerciale de la SMHI ! C’était à la fin de l’été 1971 !

La première question rappelée ci-dessus – celle du réseau de vente – était redoutable !

Une première zone – de grande importance pour la SACEM – celle des USA, fut traitée assez rapidement à la suite d’un concours de circonstances étonnant.

Lors des visites annuelles de ventes – il s’agissait là de celle d’octobre 1971 – Pierre Reynaud (Directeur Commercial de Mokta) avait prévu de rendre sa visite habituelle à l’entreprise Lavino, notre client broyeur le plus important couvrant le marché nord-américain. Alors que Pierre Reynaud patientait dans la salle d’attente de l’entreprise il vit apparaître Jack Blalock, Directeur Commercial de Lavino, qui l’informa qu’il venait à l’instant-même d’être licencié car l’entreprise cessait ses activités ! Pierre Reynaud lui répondit instantanément qu’il était embauché par notre groupe… sans trop savoir d’ailleurs, à ce moment précis, qui l’embaucherait formellement dans le Groupe. Mais la question fondamentale était de conserver / reprendre ce marchéà notre profit et donc s’attacher les services du Directeur Commercial du plus important broyeur du continent américain était une opportunitéà ne pas manquer ! [Je pense utile de rappeler ici que quelques concurrents étaient alors en embuscade avec le minerai que la Sacem avait vendu pendant des années au stock stratégique américain (à la demande de Kodak), lequel stock gouvernemental remettait ce minerai en vente. On parlait alors de 250 000 tonnes (de la qualité 84% MnO2), à mettre en regard d’une consommation annuelle du marché US (hors Kodak) de l’ordre de 15 000 tonnes. Plus de 15 années de la consommation américaine…]

Jack_Blalock1973_NY

 Jack fut finalement embauché par la société Minimet, filiale du groupe Imétal qui venait de reprendre Mokta. Il se trouve que Pierre Reynaud fut par la suite nommé Directeur Général de Minemet. Ainsi donc, s’agissant des affaires de la SACEM, les opérations USA étaient « sous contrôle » et dans une parfaite continuité relationnelle et humaine. Néanmoins l’arrêt de Lavino avait créé une grande angoisse chez les fournisseurs américains de briques décoratives car seul le bioxyde d’Imini permettait d’obtenir les nuances de couleurs référencées par les architectes pour le marché américain et Lavino en était l’unique fournisseur. Tous les producteurs de terre cuite clients de Lavino pour le bioxyde risquaient donc de fortes pertes de chiffres d’affaires si nous ne pouvions pas assurer le relais très vite.

Mais que faire alors pour aviser rapidement un vaste continent que nous avions la solution ??

Un ingénieur de notre bureau de New York nous apporta la réponse… simplissime et magnifique : nous fîmes paraître, sur une pleine page du journal professionnel de la céramique et de la terre cuite aux USA, une photo en noir et blanc du visage de Jack avec ce simple commentaire : « JACK IS BACK », suivi du numéro de téléphone de notre bureau de New York. En quelques semaines nous avions récupéré toute la clientèle de Lavino et bloqué tous les concurrents qui visaient ce marché. L’année suivante nous invitâmes nos plus importants clients à une partie de pêche en Floride pour sceller notre coopération à long terme. Là encore, Jack fit merveille.

Jack_Blalock_74

 Signature de Jack Blalock sur le livre d'or d'Imini en 1974, qui remercie pour l'hos-pitalité....

 Pour l’Europe les choses étaient plus délicates avec des marchés assez compartimentés en quatre zones communicant peu entre elles : la France, l’Angleterre, le reste de l’Europe « de l’Ouest » (à l’époque), l’Europe de l’Est.

Mais il est apparu assez vite qu’il fallait scinder l’Europe de l’Ouest en 2 zones : au nord de la Loire (Nord de la France, Belgique, Pays Bas, Allemagne…), zone dominée par le grand broyeur hollandais Jan de Porter, la zone sud de la Loire, très fragmentée avec cependant une position assez forte tenue par Dumont (broyeur français installé près de Rouen).

Comme de coutume l’Angleterre faisait bande à part.

L’Europe de l’Est s’approvisionnait via des centrales d’achat masquant les usages finaux, la réalité des besoins et leur évolution. Sur ces marchés d’Europe de l’Est la SACEM était représentée par le BRPM avec lequel nous avions des réunions commerciales périodiques.

Notre grande hantise était, si nous entrions en concurrence frontale avec les broyeurs, de les voir se tourner vers d’autres sources de minerais avec pour conséquence rapide une baisse des prix finaux sur le marché et une baisse des tonnages globaux vendus par la SACEM. Nous perdions sur les deux tableaux ! Situation de cauchemar.

En tant qu’industriels nous pouvions aussi comprendre que nos clients broyeurs soient dans l’incapacité d’arrêter brutalement leurs installations de production. Il était certainement nécessaire de ménager des transitions permettant un redéploiement des broyeurs. Enfin il y avait en Europe de très nombreuses anomalies de prix et de situations commerciales. C’est ainsi que nous avions découvert que les broyeurs hollandais battaient Dumont en prix dans le sud de la France car leurs coûts de transport de Sud Hollande vers Sète ou Marseille étaient moins élevés que de Rouen vers les mêmes destinations. Il s’agit d’un exemple parmi beaucoup d’autres !

Entrer en force sur ce marché aurait provoqué de gros dégâts en raison de complexités de situations que nous ne pouvions apprendre que progressivement, dans la pratique du terrain.

Nous avons donc choisi de coopérer avec les broyeurs européens pour placer les UF soit par leur intermédiaire, soit directement par le réseau Minemet  en optimisant au cas par cas les logistiques d’approche des consommateurs. Evidemment nous maintenions sur eux une forte pression car ils savaient bien que nous pouvions prendre seuls tous ces marchés (mais avec beaucoup de difficultés et de délais). La coopération était donc vigilante et assez musclée mais c’est ainsi que les ventes d’UF se mirent en place en Europe à partir de fin 1971.

Il faut ici saluer le rôle très efficace de Minemet dans cet exercice délicat. La personne en charge des ventes UF dans cette structure était Hubert Caman, homme discret et affable, connaissant le marché dans ses moindres détails, redoutable négociateur et habile interlocuteur des broyeurs européens. Hubert Caman et Denis Thuillier (ingénieur de Sèvres, spécialiste de la céramique) avaient décidé de cibler leurs efforts sur le secteur de la terre cuite (le gros des tonnages) et, dans ce secteur, sur les entreprises les mieux équipées et les plus performantes. Le groupe Imétal était intéressé par ce secteur pour y investir et nous avions donc des dossiers très approfondis sur les meilleures entreprises du secteur. C’était la stratégie gagnante et on vit les ventes d’UF de Minemet progresser régulièrement alors que celles de nos confrères broyeurs stagnaient !

Le dernier « budget » commercial élaboré sous ma responsabilité pour la SACEM fut celui de l’année 1973. De mémoire le tonnage global de vente devait être de 120 000 tonnes dont 10 à 15 000 tonnes d’UF. Je crois que ce budget a été réalisé en tonnage et en recettes nettes, replaçant la SACEM en situation bénéficiaire.

Dans ce budget nous avions prévu de revenir sur le marché anglais après des dizaines d’années d’absence. Mais je ne me souviens pas si cet objectif a été réaliséà l’époque.

L’autre souci, dont il faut dire un mot ici, était celui de nous diversifier un peu dans le secteur minier ou carrière au Maroc. Aucune des pistes explorées n’a pu déboucher sur des développements et/ou des potentiels concrets. L’une de ces pistes (les agates coupées/polies) nous avait paru suffisamment intéressante pour lancer une prospection aux USA. C’est ainsi que j’ai présenté des agates d’Imini à un revendeur spécialiséà New York. Ce revendeur avait trouvé la qualité assez plaisante et comparable aux plus belles agates du Brésil. Il nous demanda une offre pour un lot d’essai de 20 tonnes, ceci pour évaluer des achats annuels de l’ordre de 500 tonnes. Ces quantités étaient hors de portée de la SACEM et nous dûmes abandonner cette piste, pourtant porteuse.

L’autre potentiel était celui de l’extension du gisement d’Imini vers l’Ouest. La structure géologique favorable à cette extension avait été nettement identifiée loin vers l’Ouest grâce à des photos prises par le satellite « Spot » et des reconnaissances de terrain faites à l’époque (début des années 1970) avaient trouvées en affleurement des indices de psilomélane, la moins intéressante des deux minéralogies principales présentes à Imini. J’ignore si ces recherches, dans cette zone Ouest et, plus largement, dans le sud du Maroc, se sont poursuivies et avec quels résultats.

Le 25 Février 1973 Jacques Peccia Galletto (DG de Mokta) me confiait la Direction Commerciale de Mokta avec la mission de prendre en charge les ventes de concentrés d’uranium dont le Groupe était l’un des plus importants producteurs mondiaux. A cette date nous ignorions que quelques mois plus tard éclaterait la « Guerre du Kippour », puis le premier choc pétrolier, puis le programme nucléaire français (Plan Messmer), évènements rendant ce secteur essentiel pour le Groupe, pour la France et pour tous nos clients à l’étranger.

A cette même date les affaires commerciales de la SACEM étaient regroupées chez Minemet, sous la direction de Pierre Reynaud. C’est cette structure qui poursuivit alors le développement des ventes d’UF sur le marché, en sus des qualités classiques.

Mi-février 1973 je me rendais à Rabat pour présenter ces évolutions au BRPM et pour saluer une dernière fois, avec un pincement au cœur, tous mes amis de la SACEM. 

Je ne suis revenu au Maroc, professionnellement que plus de 30 ans plus tard, comme expert de l’Union Européenne (Programmes européens de mise à niveau des entreprises).

Merci à Philippe Kayser pour ces pages d'histoire de la période 1965-1973 qui montrent que les mines de l'Imini ne sont passées pas loin de la fermeture à cette époque. Y échapper était un vrai défi que l'action conjuguée des techniciens avec les Ultras fins et des commerciaux avec la transformation des réseaux a su relever. Beaucoup des enfants d'Imini qui ont vécu les années suivantes dans l'entourage de la mine, leur doivent d'avoir pu bénéficier dans leurs études de sa prospérité retrouvée.

Souhaitons une bonne année aux amis d'Imini, à l'association Almichkat, à l"école de Timkit, à tous nos anciens, aux mineurs de la SACEM d'aujourd'hui et à l'amitié qui nous rapproche.


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